La raison d’Aymé
De Isabelle Mergault
Mis en scène par Gérard Jugnot assisté par Tadrina Hocking
Collaboration artistique avec Jean-Pierre Hasson
Avec Isabelle Mergault, Gérard Jugnot, Anne-Sophie Germanaz, Philippe Beglia
Décors par Jean Haas
Lumières par Jean-Pascal Pracht
Vidéos par Olivier Louis Camille
Musiques par Khalil Chahine
Création sonore par Stéphanie Gibert
Costumes par Cécile Magnan
Théâtre de Beausobre, Morges, Suisse
Produit par Théâtre des Nouveautés (producteur), Pascal Legros Productions (producteur, tourneur), Malec Production (producteur), Camus Développement (producteur), Théâtre de Beausobre (organisateur)
Représentation du mardi 5 février 2019 à 20h00
Placé en deuxième catégorie (rang Y, place 5)
Payé 25.00 CHF (tarif étudiant)
Isabelle Mergault et Gérard Jugnot réunis sur scène, la première signant le texte, le deuxième la mise en scène…
[photo de Yves Burdet, via le site du théâtre]
Je n’avais initialement pas prévu d’aller voir “La raison d’Aymé”, mais un changement de programme a fait que j’étais finalement dans le coin lors du passage de la pièce à Morges – une fois de plus ou de moins à Beausobre, je ne suis plus à ça près ! L’occasion de découvrir Gérard Jugnot sur les planches et d’y revoir Isabelle Mergault, dont j’avais un bon souvenir de sa pièce avec Sylvie Vartan, “Ne me regardez pas comme ça”. En plus, j’apprécie le duo dans Les Grosses Têtes — que j’écoute encore occasionnellement (rendez-nous On va s’gêner !).
Malheureusement, durant la première moitié de la pièce, j’ai largement regretté ma décision…
Après une vidéo d’intro, le rideau (ou plutôt l’écran) s’ouvre sur une chambre d’hôtel vénitien où une jeune épouse (interprétée par Anne-Sophie Germanaz) est en pleine discussion avec un tueur à gages (Philippe Beglia). Le but est de liquider son mari, Aymé, de 30 ans plus âgé, à qui elle a annoncé qu’elle était enceinte pour qu’il mette son assurance vie dans de bonnes dispositions.
Le tueur à gages et ses habits volés légèrement trop petits met ses services à disposition d’une jeune mariée dans un palace de la cité des Doges…
[photo de Yves Burdet, via le site du théâtre]
Le “vieux mari”, si j’ose dire, c’est, comme vous vous en doutez, le rôle de Gérard Jugnot. Il campe ici un homme qu’on peut carrément qualifier d’imbécile heureux, naïf mais riche. Oui mais voilà, sa raison assiste effarée à la prise de contrôle du cœur amouraché sur les décisions, et se matérialise donc sous une forme humaine pour le mettre en garde de façon plus efficace que par le biais de sa “petite voix intérieure”. La raison, c’est Isabelle Mergault que le personnage de Jugnot est évidemment le seul à pouvoir voir et entendre.
Un des problèmes de la première partie, ce sont les vannes systématiquement prévisibles. Je crois qu’il n’y a rien que je déteste plus dans une pièce comique que de deviner une blague, d’y sourire légèrement, puis de la voir débarquer dix secondes plus tard. Etant donné que je ne pense pas être un génie de l’écriture humoristique, dans ce genre de situation je déduis plutôt que c’est le texte qui est faible…
Le mari naïf tente d’être ramené à la rationalité par sa raison matérialisée…
[photo sans crédit, via le dossier de presse]
Mais le plus gros souci n’est pas là ; c’est Isabelle Mergault. C’est quelqu’un que j’ai tendance à plutôt apprécier, mais il faut être honnête, elle ne joue pas, elle récite. Alors certes, pas au niveau de Chantal Ladesou (qui ne joue pas, ne récite pas et ne fait en fait pas grand-chose d’autre quand elle est sur une scène que de partir en roue libre tout en se torchant le cul avec le texte), mais quand même. Elle utilise son personnage d’actrice qu’on lui connaît, avec son petit chuintement distrayant et sa façon d’élever la voix, mais à part ça, il n’y a aucune intonation, aucun jeu, aucune envie, rien.
Puis, étonnamment, à la moitié de la pièce, ça s’est amélioré. A la faveur d’une scène impliquant un faux coup de téléphone, un accent belge volontairement raté (pourtant d’habitude je déteste les imitations d’accents), une référence au Dîner des cons et quelques quiproquos, un petit fou-rire surgit entre Mergault et Jugnot.
L’occasion peut-être pour la comédienne de reprendre du plaisir à jouer, et d’ainsi mieux s’en sortir dans la deuxième partie de la pièce. Il faut dire que cette seconde moitié a un texte humoristiquement meilleur, avec l’incursion des célèbres mauvais jeux de mots d’Isabelle Mergault que j’aime beaucoup, ce qui parvient à faire oublier quelques longueurs sentimentalistes dispensables.
Après l’étape vénitienne, la pièce devient plus drôle et mieux interprétée…
[photo sans crédit, via le dossier de presse]
Quant aux autres acteurs, Philippe Beglia en fait un peu trop dans le rôle de bouffon qui lui a été distribué tandis que Gérard Jugnot s’en tire avec les honneurs. Mais la meilleure comédienne, malheureusement pour les deux têtes d’affiche, c’est bien Anne-Sophie Germanaz, sobre et efficace tout au long de la représentation.
Côté décor, relativement imposant, il est plutôt joli et fait un bel usage de la vidéo. La mise en scène est bien gérée, très classique, mais dynamique, idéale pour ce style de texte. A signaler la scène du tour en gondole vénitienne, façon “The Phantom of the Opera”, un très bon moment.
Peut-être pas la scène où on se gondole le plus, mais assurément la plus jolie…
[photo sans crédit, via le dossier de presse]
En conclusion, “La raison d’Aymé” est une pièce faible dans sa première partie, un peu mieux dans la deuxième. Un spectacle à réserver au public mettant rarement les pieds dans un théâtre et ayant besoin d’acteurs connus, même si peu investis, et d’un texte aux grosses ficelles et aux ressorts comiques voyants. Les spectateurs passeront ainsi probablement une meilleure soirée que s’ils étaient restés sur le canapé devant Hanouna, certes, mais auraient pu choisir une pièce tellement mieux aussi…