La Verità
De Daniele Finzi Pasca assisté par Julie Hamelin Finzi
Collaboration artistique avec Julie Hamelin Finzi (directrice de la création), Antonio Vergamini (consultant artistique), Fabrizio Arigoni (consultant artistique), Facundo Ponce de Leon (recherchiste)
Mis en scène par Daniele Finzi Pasca assisté par Geneviève Dupéré
Chorégraphies par Daniele Finzi Pasca, Maria Bonzanigo
Avec la Compagnia Finzi Pasca (Moira Albertalli, Jean-Philippe Cuerrier, Annie-Kim Déry, Stéphane Gentilini, Andrée-Anne Gingras-Roy, Erika Bettin, Francesco Lanciotti, Evelyne Laforest, David Menes, Marco Paoletti, Felix Salas, Beatriz Sayad, Rolando Tarquini)
Scénographie par Hugo Gargiulo assisté par François Lemieux
Equipements acrobatiques par Marc Laliberté, Francois Lemieux, Guy St-Amour, Antoine Mercure Gagnon
Accessoires par Hugo Gargiulo, Toni Vighetto (concepteur de la sculpture chorégraphique), Mariève Hémond (conceptrice du carré aérien), Daniel Cyr (concepteur de la roue Cyr)
Lumières par Daniele Finzi Pasca, Alexis Bowles
Vidéos par Roberto Vitalini
Musiques par Maria Bonzanigo
Création sonore par Maria Bonzanigo
Costumes par Giovanna Buzzi
Coiffures par Chiqui Barbé
Maquillages par Chiqui Barbé
Théâtre du Crochetan, Monthey, Suisse
Produit par Compagnia Finzi Pasca (producteur), Théâtre du Crochetan (organisateur)
Représentation du dimanche 27 septembre 2015 à 17h00
Placé en (pas de catégorie, rang B, place 6)
Payé 20.00 CHF (tarif jeune)
Les treize artistes aux multiples talents formant le casting de La Verità
[photo de Viviana Cangialosi, via le Flickr de la salle]
Je connais le nom de Daniele Finzi Pasca depuis que j’ai vu Corteo du Cirque du Soleil, spectacle dont il a signé la création et la mise en scène et qui est, après en avoir vu une dizaine, ma production préférée de la compagnie québécoise. Autant dire que quand j’ai appris qu’un spectacle du même Daniele Finzi Pasca allait passer dans le coin, j’ai de suite noté la date. En l’occurence c’est au Théâtre du Crochetan de Monthey que je me suis rendu pour la première fois, avec la chance d’être parfaitement placé, en plein centre du deuxième rang.
Première surprise dès le lever de rideau, contrairement à la plupart des spectacles de cirque contemporain auxquels j’ai assisté, ici les acteurs parlent, mélangeant le français et l’italien (la majorité des membres de la troupe venant du Québec, de Suisse italienne ou d’Italie) pour un résultat qui est, il faut bien le dire, parfois assez peu compréhensible. Ca n’est cela dit pas trop grave, l’histoire du spectacle tenant en fait en quelques mots : nous assistons à une vente aux enchères d’une oeuvre de Salvador Dalí au profit de la construction d’une maison de retraite pour “artistes décrépits”.
Oui parce que je ne l’ai pas encore précisé mais l’originalité du spectacle est de mettre en scène une oeuvre originale de Dalí peinte pour un opéra new-yorkais, à savoir une énorme toile de 15 mètres par 9 représentant Tristan et Yseult (visible en partie sur la photo ci-dessus). Après sa carrière à l’opéra, la peinture a disparu de la circulation quelques années avant qu’une fondation décide de la prêter à la Compagnia Finzi Pasca. L’oeuvre n’est étonnamment pas placée en fond de scène mais bien plus proche des spectateurs. Au fil du spectacle, elle sert de toile de fond pour certaines scènes ou remonte dans les cintres lors des numéros acrobatiques utilisant tout l’espace scénique. En tout cas, voilà probablement un des décors les plus étonnants utilisés dans un théâtre !
Quand la toile disparaît pour libérer l’espace, le fond-de-scène devient blanc, mais le décor continue de faire penser à Dalí…
[photo de Viviana Cangialosi, via le Flickr de la salle]
Mais revenons à l’histoire ; le choix de Daniele Finzi Pasca est de ne pas avoir un récit linéaire autour de la vente de la toile. Il exploite en fait assez peu cette amorce narrative, l’utilisant quelques rares fois au cours des deux heures de représentation, afin de parler de l’oeuvre, de son histoire et de ses mystères.
Ces quelques intermèdes mis à part, le spectacle n’est pas scénarisé, le seul fil conducteur étant Salvador Dalí, dans l’univers visuel duquel prennent place les performances acrobatiques. Le tout est probablement très documenté, mais j’avoue que je n’ai pas le niveau requis en histoire de l’art pour comprendre les références à l’artiste, au premier rang desquelles je peux cependant citer les rhinocéros, les taureaux, les célèbres moustaches, les échelles en forme de double hélice d’ADN ou encore un étonnant trapèze en forme d’oeil.
Ce qui m’amène à dire que le travail sur les accessoires acrobatiques est colossal, certains ressemblant carrément à des objets d’art. Les costumes exubérants (chapeaux délirants et robes même pour les hommes) ainsi que l’éclairage tout en sobriété complètent le mélange et donnent au spectacle un visuel magnifique, sans la moindre fausse note.
Réussite visuelle parmi les autres, le numéro des verres musicaux avec, dans le fond, une danseuse sur la robe de laquelle sont projetés différents motifs…
[photo de Viviana Cangialosi, via le Flickr de la salle]
Si la technique et le visuel sont au rendez-vous, que dire du casting ? Qu’il a un niveau incroyablement impressionnant ! Ils ne sont que treize sur scène mais on a l’impression de voir cinquante spécialistes d’une discipline particulière tellement ils sont polyvalents : ils maitrisent à peu près tout, du trapèze à la danse, de l’accordéon à la roue Cyr, du roller au chant, de l’humour à la jonglerie. Et le tout est exécuté à la perfection avec un énorme charisme. Vraiment, je ne vois pas comment il me serait possible de critiquer un seul membre de la distribution.
Je parlais il y a quelques lignes du travail sur les engins acrobatiques, en plus de l’aspect visuel, il permet également de réinventer les classiques numéros acrobatiques. Il est vrai qu’après avoir assisté à quelques spectacles de cirque le public a parfois l’impression de revoir inlassablement les mêmes performances. Dans La Verità, rares sont les numéros déjà vus, chacun ayant sa touche d’originalité apportée par les accessoires imprégnés de l’univers de Dalí.
Cette combinaison de casting de rêve et d’originalité donne lieu à de grandes réussites, dont une chorégraphie étonnante entre un incroyable contorsionniste et une marionnette féminine animée par quatre artistes, un affrontement entre un danseur sur béquilles et un taureau sur roue (!), un lancer de bâtons d’une vitesse et d’une complexité étonnantes, ou encore un numéro de diabolo se terminant par la chute sur scène d’une cinquantaine d’autres diabolos puis d’un déluge de bâtonnets – c’est le final du premier acte et un des clous visuels du spectacle.
Je crois que cette photo du final du premier acte résume bien l’esthétique de La Verità…
[photo de Viviana Cangialosi, via le Théâtre du Martolet]
Conclusion ? La Verità est un spectacle avec des artistes de très haut niveau, parmi les meilleurs qu’il m’ait été donné de voir dans le monde du cirque, qui sont parfaitement mis en scène par Daniele Finzi Pasca dans un univers artistique à la thématique aussi étonnante que convaincante, le tout arrivant à combiner sans mal performance, beauté, originalité et talent, sans oublier l’interaction avec une toile de maître. La seule chose reprochable au spectacle est sa trame narrative assez peu claire, oscillant entre une histoire de mise aux enchères de l’oeuvre de Dalí et des numéros simplement reliés au thème parce qu’ancrés dans le surréalisme. Mais qu’importe, le résultat est convaincant et les deux heures de spectacle passent sans la moindre baisse de rythme, en laissant un beau souvenir esthétique à tous les spectateurs.
Remarque : le casting visible sur les photos et cité en tête de cet article est celui habituel, donné par la production. Il est peut-être différent de celui que j’ai vu sur scène. Etant le pire physionomiste du monde, je ne suis sûr de rien !