Gros-Câlin (de Romain Gary / mes. Bérangère Bonvoisin / avec Jean-Quentin Châtelain)

12_1_affiche

Gros-Câlin
De Romain Gary (sous le nom de Emile Ajar)
Adapté par Thierry Fortineau
Mis en scène par Bérangère Bonvoisin
Avec Jean-Quentin Châtelain

Scénographie par Arnaud de Segonzac
Lumières par Ricardo Aronovich

Théâtre Montreux-Riviera, Montreux, Suisse
Produit par Théâtre de l’Oeuvre (producteur), sic Productions (tourneur), Théâtre Montreux-Riviera (organisateur)
Représentation du jeudi 16 octobre 2014 à 19h00
Placé en (pas de catégorie, place 54)
Payé 20.00 CHF (tarif moins de 26 ans)

12_2_chatelainJean-Quentin Châtelain plongé dans son personnage
[photo libre de droit, via le Théâtre de l’Oeuvre]

J’avais repéré cette pièce dans la programmation du Reflet à Vevey, dont la date tombait malheureusement durant ma session d’examen. Après recherches, je découvre que la pièce est installée pour quelques jours en octobre au Théâtre Montreux-Riviera. Ca tombe bien, mon agenda spectacles n’est pas trop rempli à ce moment là, l’occasion d’aller voir ce que donne du Romain Gary sur scène, auteur que j’avais beaucoup aimé lire à l’époque où mes études n’étaient pas encore 100 % scientifiques !

Le Théâtre Montreux-Riviera est une salle de 110 places perdue dans une ancienne cave voûtée (!), où l’on retire son billet dans un bureau à quelques dizaines de mètre de là dont il faut deviner l’existence (!!), où chaque spectateur est accueilli personnellement par l’équipe du théâtre (!!!) et où ma seule entrée dans la salle a du faire chuter la moyenne d’âge des spectateurs de 20 ans au moins (!!!!). Bref, c’est une petite salle extrêmement sympathique et conviviale qui doit parfaitement convenir à l’humour qui est, si j’ai bien compris, le principal créneau de programmation de l’endroit.

Avant que je commence à vous dire ce que j’ai pensé de la pièce, il est peut-être utile que je précise, pour ceux qui ne le savent pas, que ce seul-en-scène est adapté d’un roman. Pendant que j’y suis, je vous résume brièvement ledit roman de Romain Gary : M. Cousin, bureaucrate parisien un peu simple d’esprit (ou, du moins, naïf) se sent seul, sans amis, sans amours. Pour déprimer un peu moins, il adopte un… python. Forcément, ça l’aide assez moyennement à s’intégrer socialement en invitant du monde boire un verre chez lui (“Je te sers un whisky ?”, “Volontiers, mais c’est quoi ce gros machin qui rampe ?”, “Un python”, “…”, “Avec ou sans glaçons ?”) et encore moins à paraître normal.

12_3_calinM. Cousin exprimant tout l’amour qu’il porte à son animal de compagnie bien à lui
[photo libre de droit, via le Théâtre de l’Oeuvre]

Le texte dit sur scène par Jean-Quentin Châtelain est celui du roman, avec quelques coupes par-ci par-là. Je ne connaissais pas le texte original, je l’ai feuilleté après coup, ce qui me permet d’affirmer que les coupes sont bien choisies et indécelables pour qui ne connaît pas le roman avant d’aller voir la pièce. Seule la fin manque un peu de clarté (cela dit, la schizophrénie de M. Cousin qui se prend pour son python est aussi assez spéciale dans les dernières pages du livre).

Je ne vais pas trop vous parler du texte, évidemment parfait, avec ce style si propre à Romain Gary, mélange entre naïveté amusante (rendant par moment la pièce franchement drôle) et subtile critique de la société individualiste.

De ce côté là, rien à dire, j’ai été ravi de découvrir ce texte. Mais, la grande question, c’est qu’est-ce que la pièce m’a apporté de plus qu’une lecture du livre que j’aurais pu faire chez moi ? Le fait que le texte me soit interprété et la mise en scène accompagnant l’oeuvre me direz-vous et vous avez bien sûr raison. Venons-y point par point.

Premièrement l’interprétation, l’acteur donc. Je ne connaissais absolument pas Jean-Quentin Châtelain, acteur suisse paraît-il réputé dans le milieu. Première surprise, son accent prononcé (ça doit surprendre dans les représentations en France !), dont il joue énormément pour faire ressortir certaines syllabes qu’il prononce avec une lenteur absolue. Ca donne un effet très particulier, qui mériterait d’être par moment un peu plus dosé – j’ai plusieurs fois eu envie d’une cassure dans le rythme avec une accélération du débit, alors que l’ensemble reste constamment très lent, serpentant comme son python, ce qui est métaphoriquement intéressant mais aussi fatiguant à l’oreille.

12_4_interpretationJean-Quentin Châtelain déclamant son texte
[photo libre de droit, via le Théâtre de l’Oeuvre]

Autre petit soucis dans le jeu de Jean-Quentin Châtelain, surtout présent dans les toutes premières minutes, le contraste très peu marqué entre son rôle de M. Cousin et les lignes de dialogues d’autres personnages présents dans le récit. Mais à part ces deux petits bémols, l’expression orale de l’acteur nous donne un personnage principal convaincant, renforçant son côté fragile, perdu au milieu d’une population qu’il ne comprend pas.

Deuxième point, la mise en scène et l’aspect théâtral. Là, je suis nettement plus partagé… Le décor est constitué de plusieurs éléments (permettant au comédien de s’asseoir, voir même de se coucher) recouverts de mosaïques en carrelage. L’association avec l’éclairage assez chaud nous fait tout de suite à une salle de bain. En arrière-plan, baignées dans une lumière bleu, quelques petites colonnes métalliques. Si je fais semblant d’être un critique de théâtre intelligent, je peux me dire que les colonnes font penser à une prison, symbolisant le personnage enfermé dans sa solitude. Pourquoi pas. Mais la salle de bain, rien à faire, je ne vois pas le rapport ?

Le costume ne m’aide pas d’avantage… Jean-Quentin Châtelain joue pieds nus, vêtu d’une simple djellaba noire. C’est pas franchement l’image que je me fais du look de M. Cousin. La symbolique ? Une fois de plus, je ne l’ai pas vraiment comprise… Et ça n’est pas la mise en scène qui vient sauver mon incompréhension : à part quelques mimes de câlin avec le python et un moment où l’acteur se couche, il n’y a, pour ainsi dire, rien. Dommage…

12_5_decorLe décor “mi-salle de bains, mi-prison” dans lequel se déroule la pièce
[photo libre de droit, via le Théâtre de l’Oeuvre]

Vous l’aurez compris, si le texte est excellent et la déclamation de l’acteur convaincante, la transposition du tout sur scène est très loin de m’avoir séduit. J’en suis au point où je me demande si Jean-Quentin Châtelain assis sur une chaise, le texte posé devant lui, n’aurait pas donné le même résultat. Et si j’en arrive à penser qu’une simple lecture pourrait être équivalente à une pièce de théâtre, c’est que, décidément, quelque-chose n’a pas fonctionné lors de la mise en scène…

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