Elles s’aiment depuis 20 ans
De Pierre Palmade, Muriel Robin
Mis en scène par Muriel Robin assistée par Olivier Claverie
Avec Muriel Robin, Michèle Laroque
Décors par Bernard Fau assisté par Emmanuel Charles
Lumières par Laurent Gustin
Costumes par Julie Exertier Barnay
Théâtre de Beausobre, Morges, Suisse
Produit par Ki m’aime me suive (producteur, tourneur), Théâtre de Beausobre (organisateur)
Représentation du dimanche 27 novembre 2016 à 17h00
Placé en (catégorie unique, rang X, place 10)
Payé 36.00 CHF (tarif étudiant Black Friday)
Le casting de la pièce change chaque soir ; pour ma part, c’est le couple Muriel Robin – Michèle Laroque que j’ai eu la chance de découvrir sur scène
[photo de Pascal Victor, via Ki m’aime me suive]
Dans la catégorie des spectacles que je n’avais pas prévu d’aller voir, mais finalement j’y suis allé quand même, je demande “Elles s’aiment depuis 20 ans”. Malgré l’exposition médiatique de cette tournée, je résume le concept pour ceux qui n’en ont pas entendu parler : fêter les 20 ans du spectacle à sketchs “Ils s’aiment” en faisant un best of de celui-ci et des deux opus qui ont suivi (“Ils se sont aimés” et “Ils se re-aiment”, datant respectivement de 2001 et 2012). En plus des acteurs originaux, Michèle Laroque et Pierre Palmade, les deux compères ont fait appel à Muriel Robin, coauteure et metteur en scène des deux premiers épisodes, pour les épauler. Pas pour jouer en même temps bien sûr (dur d’interpréter à trois un spectacle uniquement basé sur des dialogues de couple), mais pour participer à une rotation dans la distribution. Ainsi, le même texte, sans la moindre adaptation, est joué certains soirs par le duo original Palmade – Laroque, certains soirs par Robin – Palmade, et certains soirs par le couple Robin – Laroque, d’où la féminisation du titre du spectacle.
Ayant vu il y a quelques années à Paris “Ils se re-aiment”, ayant été déçu, et n’étant pas vraiment fan de Palmade sur scène, je n’avais pas spécialement envie de débourser une somme conséquente pour aller assister à ce spectacle à l’Arena (du théâtre dans une si grande salle en plus, bof…) dans sa version Palmade – Laroque. Le Théâtre de Beausobre a par la suite eu la bonne idée de programmer le casting Robin – Laroque, bien plus alléchant pour moi qui aime beaucoup Muriel Robin. Mieux encore, le Black Friday est passé par là, le Théâtre de Beausobre a eu la géniale idée de solder les quelques places restantes à moitié prix, et moi j’ai eu la géniale idée d’en profiter.
Géniale, oui, parce que, je vous le dis d’entrée, le spectacle était vraiment excellent. Je suis en plus convaincu que de le voir parmi les quelque 800 spectateurs de Beausobre était bien plus agréable que d’y assister parmi les milliers de personnes ayant pris place dans l’impersonnelle Geneva Arena. Amusant d’ailleurs qu’une tournée passe du jour au lendemain à des jauges si différentes. Et ça se sent : deux semi-remorques et un tourbus sont parqués devant Beausobre, qui a dû sortir les gros moyens pour accueillir le spectacle – ce qui ressemblait fortement à des agents de sécurité de chaque côté de la scène, des infrastructures supplémentaires pour implémenter les projecteurs de face, etc.
Première scène du spectacle : le mariage du couple dont nous allons suivre les péripéties…
[photo tirée de la bande annonce du spectacle]
Plutôt que de m’éterniser sur l’introduction et les détails techniques, je vais donner mon avis. Du côté du contenu, ne vous attendez pas à de la nouveauté, il n’y a pas de surprises, c’est un “simple” best of des trois spectacles déjà joués , ou plutôt des deux premiers (il me semble, mais je ne suis pas un spécialiste, qu’il n’y a qu’un court sketch tiré du dernier opus en date – tant mieux, celui-ci étant clairement plus faible, probablement par manque de la plume de Muriel Robin à l’écriture).
Le sujet du couple est certes utilisé depuis des décennies par le registre humoristique, peut paraître rongé jusqu’à la moelle, mais les sketchs de “Ils s’aiment” et “Ils se sont aimés” sont vraiment le summum du genre. “Le permis de conduire”, et sa toute bête situation de dispute au volant, est incroyablement drôle. L’invitation du couple d’amis “Gérard et Toinette”, monument de mauvaise foi et engueulade partant très loin, est écrit à la perfection. Tous les dialogues sont ciselés, hyper précis, et l’on ne peut qu’être admiratif devant l’énorme talent d’observation des relations humaines des auteurs du texte.
Le permis de conduire, grand moment d’engueulade aux échanges tout autant crédibles que bien écrits !
[photo tirée de la bande annonce du spectacle]
Et pourtant, la meilleure partie vient par la suite, avec les sketchs sur le divorce, où les vacheries que s’envoie l’ancien couple sont absolument délicieuses. “Noël chez les parents” est très bon, mais le clou de la soirée est incontestablement “Le divorce”, où, juste après avoir décidé de se séparer, les anciens amoureux se partagent tout le contenu de l’appartement (et en profitent pour régler leurs comptes). Ce sketch est une véritable perle !
A cela, il faut ajouter les décors de Bernard Fau (et non pas Michel, son frère acteur, comme injustement écrit dans le dossier de presse !), tout en modernité et en sobriété, soutenus par un éclairage parfait. De l’originalité réussie, ça fait plaisir ! La mise en scène est elle aussi irréprochable, avec une grande maitrise de l’occupation de l’espace (ce qui semble assez logique au vu de la taille des scènes foulées par la tournée).
Reste le point le plus important, la distribution : est-ce que ce nouveau duo, 100% féminin, fonctionne ? Eh bien oui, parfaitement ! Michèle Laroque excelle dans son rôle de boudeuse vicieuse assez subtile, tandis qu’en face Muriel Robin balance ses répliques assassines sur un ton sarcastique absolument hilarant. D’ailleurs, sur ce côté “méchante sarcastique”, le registre de jeu de Muriel Robin me fait beaucoup penser à celui de Pierre Palmade, du coup je me demande à quoi ressemble la pièce lorsqu’ils la jouent les deux ensemble. A signaler que, contrairement à la retransmission télévisée en direct quelques semaines plus tard, parsemée de nombreux fous rires jouissifs, les deux actrices sont restées concentrées ce soir-là !
Le divorce et la terrible répartition du mobilier et autres objets qui s’en suit – le meilleur moment de la soirée pour le public, assurément !
[photo tirée de la bande annonce du spectacle]
Que puis-je encore ajouter ? Pas grand-chose… Du coup, pour conclure, je dirais que ça fait vraiment plaisir de redécouvrir ces sketchs cultes sur scène, au premier rang desquels l’excellent et très méchant moment du partage des biens. L’écriture n’a pas pris une ride, les dialogues font partie des plus efficaces que j’aie vus, malgré le thème de base rabâché mille fois. La mise est scène est très bonne, les décors tout en originalité, sobriété et modernité, les trois objectifs se retrouvant malheureusement trop rarement côte à côte ! Quand au choix de confier la pièce à un couple de femmes, il est excellent, tellement Muriel Robin brille dans son personnage de bougonne caustique face à la taulière du rôle Michèle Laroque, elle aussi parfaite. Bref, un super moment auquel j’aurais bien eu tort de ne pas assister – merci le Black Friday !