Duels à Davidéjonatown
De Artus, Romain Chevalier
Mis en scène par Artus
Avec Artus, Sébastien Chartier, Julien Schmidt, Céline Groussard, Greg Romano
Décors par Sébastien Cachon
Lumières par Romain Chevalier
Théâtre du Léman, Genève, Suisse
Produit par Paul & Paulette Productions (producteur), MA Prod (producteur), Live Music Production (organisateur)
Représentation du mercredi 12 juin 2019 à 20h00
Placé en troisième catégorie sur trois (rang X, place 12)
Payé 60.00 CHF
Artus, co-auteur, metteur en scène et un des acteurs principaux de ce délirant western qu’est Duels à Davidéjonatown…
[photo de Christine Coquilleau, via le dossier de presse]
Pour la dernière pièce de théâtre de la saison, direction le Théâtre du Léman. Mauvaise surprise, le public est mis au courant que les acteurs sont bloqués derrière un accident sur l’autoroute entre Lausanne et Genève (ils nous apprendront plus tard que la mésaventure aura duré 3h30)… Dix minutes plus tard, on nous annonce que le spectacle aura lieu malgré tout, avec une demi-heure de retard, ouf !
Petite remarque avant de commencer à parler du spectacle en lui-même ; tous les comédiens sont équipés d’un micro-casque, ce qui est extrêmement rare au théâtre, où le public est plutôt habitué à une amplification minimale faite par des micros d’ambiance placés à l’avant-scène. En soit, la méthode pourrait être une bonne chose, le problème c’est le réglage extrêmement fort. Je crois que ça ne m’est jamais arrivé de me plaindre d’un volume sonore trop élevé, mais là c’était vraiment désagréable et surtout complètement inutile – par moment ça empirait même la compréhension. Dommage et surtout difficilement concevable que l’ingé son ne s’en rende pas compte…
Les acteurs étaient tellement amplifiés qu’en comparaison les coups de feu faisaient un bruit ridicule !
[photo de Christine Coquilleau, via le dossier de presse]
La pièce, comme vous vous en doutez vu le titre complètement con, c’est une histoire… complètement conne. Nous sommes dans le saloon de Davidéjonatown (je ne me lasse pas de ce nom), village dont le shérif vient de mourir de vieillesse à 29 ans. Comme le veut la tradition, pour l’élection du nouvel homme de loi, les noms des prétendants sont inscrits dans le saloon et des duels à mort départageront ensuite les prétendants à l’étoile…
Sauf que tout ne se passe pas comme prévu et que, aux côtés de trois caïds du coin, la prostitué du saloon appose le nom du frêle idiot du village, éleveur de cochons de métier. Celui-ci, désormais condamné à combattre, va aller suivre un entraînement au maniement des armes sous la supervision d’un Mexicain surnommé “le maître” (Gims de son vrai nom).
Sur scène, les décors sont relativement modestes mais bien faits, avec quelques changements pour nous représenter les différents lieux de l’action. Entre chaque tableau, le rideau tombe et un narrateur vient occuper le public à l’avant-scène en plantant la suite de l’histoire. Concernant la mise en scène, elle est très énergique et bien pensée.
Aperçu du décor représentant la cabane du “maître”, ici accompagné de son élève, d’un indien et d’un membre du Ku Klux Klan de passage…
[photo de Raoul Pérez, via le Théâtre de Beausobre]
La plupart des acteurs jouent plusieurs rôles, à l’exception de Sébastien Chartier qui reste parfaitement dans la peau du chétif et naïf éleveur de cochons toute du long. Artus s’est entouré d’un deuxième comédien de son gabarit en la personne du très bon Greg Romano. La distribution est complétée par Céline Groussard (dont le personnage est malheureusement le moins bien écrit et le moins drôle) et Julien Schmidt, qui interprète notamment un muet de façon à en rester… bouche cousue. La complicité entre l’ensemble du casting se sent parfaitement, et tous brillent dans leur rôle, même si je me risquerais pas à les qualifier d’excellents acteurs de théâtre, puisque l’exercice est ici un peu différent.
En effet, le texte oscille entre une pièce et un spectacle humoristique de type one man show – l’univers d’origine d’Artus. Le quatrième mur est constamment rompu (c’est en général pas toujours un procédé réussi, mais c’est ici quasiment toujours très drôle), les interactions avec le public sont de la partie, le manque de sérieux aussi et les improvisations régulières. Le texte est un condensé de jeux de mots particulièrement débiles, de blagues potaches, d’anachronismes, de références à la culture bas de gamme actuelle, de vulgarités parfois relativement trash et d’humour carrément graveleux.
Non, vous ne voyez pas mal, l’indien a bien les couilles qui pendent – c’est tout à fait dans l’esprit de l’humour de la pièce !
[photo de Christine Coquilleau, via le dossier de presse]
Dit comme ça, ça ne fait peut-être pas spécialement envie, mais pourtant, j’ai trouvé que ça fonctionnait à la perfection. J’ai l’habitude de penser que quand je devine une vanne plusieurs secondes avant qu’elle ne soit prononcée, c’est qu’il y a un problème d’écriture. Ca m’est arrivé à plusieurs reprises durant Duels à Davidéjonatown, mais pour une fois ça ne m’a pas dérangé. C’est probablement parce que, contrairement à ce qui pourrait être cru au premier abord, l’ensemble est travaillé et joué avec un certain sérieux. En gros, c’est le contraire du dernier spectacle de Ben et Arnaud Tsamere que j’ai vu dernièrement, dont l’humour vole à peu près au même niveau mais qui est joué avec un tel je-m’en-foutisme et un manque de travail d’écriture flagrant que ça en devient navrant.
Ici, certes, le spectacle est à déconseiller très nettement aux allergiques à l’humour en-dessous de la ceinture, aux opposants à l’absurde et aux réfractaires aux jeux de mots niveau Carambar, mais, pour ceux qui aiment ça (dont je suis), c’est aussi débile que bien fait, et c’est donc largement plus drôle que pas mal de pièces écrites sans autant de décontraction. Faut quand même le faire pour arriver à provoquer des rires avec des pets, des accessoires sortis de chez Gifi, des mauvais accents, des “saloon tout le monde”, des cadavres qui rampent pour aller mourir en paix et des cochons qui se font enculer. En fait, c’est beaucoup trop rare des voir des spectacles carrément cons qui arrivent à faire rire, et ça prouve bien le talent de l’équipe derrière ces Duels à Davidéjonatown.