Jeff Panacloc perd le contrôle
De Jeff Panacloc
Mis en scène par Jarry
Avec Jeff Panacloc
Lumières par Erwan Champigné
Théâtre de Beausobre, Morges, Suisse
Produit par Artistic Records (producteur, tourneur), Very Good Show (producteur), Il est content (producteur), Mickaël Chetrit (producteur), Théâtre de Beausobre (organisateur)
Représentation du mardi 29 septembre 2015 à 20h00
Placé en (pas de catégorie, rang C, place 41)
Payé 46.40 CHF (abonnement 14-17 spectacles au Théâtre de Beausobre = -20%)
Le casting du spectacle, à savoir la marionnette Jean-Marc et son ventriloque Jeff Panacloc
[photo de Pierre-Emmanuel Rastoin, via le dossier de presse]
J’ai beau ne pas être un grand fan du petit écran, j’ai comme tout le monde vu quelques passages de Jeff Panacloc et de son singe Jean-Marc chez Michel Drucker ou chez Patrick Sébastien, où ils ont fait sensation en ne présentant pas un numéro de gentil ventriloque (puisque c’est de ça qu’il s’agit) pour enfants mais où il ont fait hurler de rire en se moquant bien comme il faut des invités de ces émissions télé.
Du coup, j’avais envie de voir ce que Jeff Panacloc pouvait valoir sur scène, et je me suis donc rendu du côté de Morges pour la première fois (mais de loin pas la dernière) de la saison 2015 / 2016. Comme dit, et comme marqué sur l’affiche du spectacle d’ailleurs, ça n’est pas un spectacle pour enfants, mais j’ai quand même été surpris de découvrir un public à la moyenne d’âge assez élevée venu découvrir ce représentant de la nouvelle génération de l’humour.
Le spectacle débute par un film où un professeur nous explique ce qu’était la ventriloquie avant de poursuivre en nous parlant de la nouvelle star de la performance… que l’on découvre en coulisses rencontrant quelques problèmes avec sa marionnette Jean-Marc, spécialiste des caprices de star. Je ne suis pas convaincu de l’utilité de cette introduction cinématographique pas renversante, mais passons, l’écran tombe et nous révèle Jeff Panacloc… seul.
Le singe se fait attendre… après l’introduction sous forme de film, c’est seul que Jeff Panacloc entre en scène
[photo de Vincent Capman, via Paris Match]
Les dix premières minutes du spectacle consisteront en un stand-up du jeune comédien nous expliquant que Jean-Marc fait la gueule, le tout entremêlé, comme tout stand-up, de petites vannes et surtout de moqueries à l’égard de quelques victimes du premier rang. Pourquoi pas, le soucis c’est que le texte est très quelconque et que Jeff Panacloc n’a pas vraiment le charisme nécessaire à cet exercice. Et surtout, le ventriloque est censé avoir le rôle du gentil dans le duo formé avec sa marionnette, du coup, le voir balancer des saloperies au public est un peu déroutant.
Ca tombe bien, le véritable méchant de la soirée, alias le singe sans aucun filtre, fait enfin son entrée. Et ça démarre évidemment très fort, à grand renfort de plaisanteries sous le niveau de la ceinture et de joyeuses méchancetés. Autant prévenir, c’est plutôt vulgaire (en beaucoup moins bien écrit qu’un texte de Bigard cela dit), mais je crois que ça ne surprendra personne.
Mais… c’est bien ? Je dirais que c’est divertissant. C’est drôle sans être à se rouler par-terre de rire, c’est bien interprété sans être toujours parfait (quelques fin de phrases un peu mangées, mais à part ça, le personnage de Jean-Marc prend réellement vie sous nos yeux) et les vannes sont parfois bien trouvées, parfois déjà entendues dix fois au point qu’on les voit venir trois secondes à l’avance. Quand au fil rouge, il n’y en a pas, ça passe de la politique aux personnalités publiques et de la drague façon obsédé aux chanteurs de variété, le tout sans véritable liant.
Entre le gentil ventriloque dépassé par sa marionnette et le single cruel, le coeur du public balance
[photo de Pierre-Emmanuel Rastoin, via le dossier de presse]
Pour varier un peu, Jeff Panacloc a eu la bonne idée de mettre Jean-Marc de côté un instant durant le spectacle, en le faisant quitter la scène, boudant une fois de plus. Malheureusement la sortie du singe-star n’est pas très bien amenée, ni très bien mise en scène d’ailleurs. Ce qui me fait penser que le metteur en scène, Jarry, n’a pas pensé un seul instant à un problème qui me paraît pourtant évident : Jeff Panacloc manipulant sa marionnette de la main droite, Jean-Marc tourne toujours la tête à gauche pour regarder son “maître” dans les yeux. Logique me direz-vous, le soucis c’est que la moitié de la salle a donc vue sur l’arrière du crâne d’un singe en peluche pendant une bonne partie du spectacle… et j’étais évidemment dans cette moitié.
Bref, je m’égare, je vous parlais de l’intermède sans Jean-Marc avant de dévier sur les ratés de mise en scène. Le ventriloque y fait monter un membre du public sur scène et l’équipe d’une fausse bouche télécommandée. Vous devinez la suite : il fait dire ce qu’il veut au pauvre spectateur, après avoir pris deux-trois renseignements sur sa vie privée. C’est un numéro de music-hall déjà vu cent fois, mais toujours drôle. Malheureusement, contrairement à certains autres ventriloques vus ici et là, Jeff Panacloc manque de talent d’improvisateur, et la scène n’est donc pas si drôle qu’elle pourrait l’être (du moins elle ne l’était pas ce soir là).
En conclusion, j’ai passé une bonne soirée, mais il y a de très nombreux points à améliorer. Le texte, déjà, à affiner un peu plus, parce que j’ai beau être un amateur de vulgarité et de jeux de mots pourris, changer de registre de temps à autre serait à coup sûr bénéfique au spectacle. La mise en scène, ensuite, pour régler cette ennuyante situation forçant la moitié des spectateurs à ne voir Jean-Marc que de dos, et pour ajouter un peu de sens du spectacle à cette représentation trop tranquille à mon goût – le décor, l’éclairage, les déplacements du ventriloque : tout est trop minimaliste. Si Jeff Panacloc est aujourd’hui probablement un des seul ventriloque francophone capable de captiver une salle de 1000 personnes pendant 1h30 (en langue anglaise il y a évidemment le génial Jeff Dunham), il est très loin d’atteindre le niveau des meilleurs humoristes, et c’est ça le problème.
J’ai aussi vu le spectacle en famille à Morges et je trouve votre critique injuste.
Nous avons passé une super soirée et nous n’étions pas les seuls dans ce cas la.
Jeff vulgaire ? ben voyons…
Décoincez vous chez monsieur, ce n’est pas de cette façon que vous allez faire connaitre votre petit blog.
Bien cordialement
Julien
Premièrement, je n’ai jamais dit avoir passé une mauvaise soirée, au contraire, je conclus ma critique en écrivant avoir passé une “bonne soirée”, donc je ne pense pas avoir été injuste comme vous le dites et avoir rabaissé Jeff Panacloc.
Deuxièmement, sur la vulgarité, rassurez-vous, je suis loin d’être coincé, d’ailleurs une des pièces de la saison de Beausobre que j’attend le plus est celle de Laurent Baffie, qui risque d’être d’un niveau de vulgarité dix fois plus élevé ! D’ailleurs, quand je parle de vulgarité dans ma critique, je la compare à celle de Bigard, bien plus “trash” mais bien mieux écrite à mon avis. La vulgarité de Jeff Panacloc se résume à peu près à faire dire à Jean-Marc “je veux la baiser, je veux la baiser, je veux la baiser”, ce qui fait certes sourire mais est un peu répétitif à mon goût.
Et troisièmement, je pense qu’il est mieux pour mon blog d’y écrire des critiques objectives (et je pense que celle-ci l’est) que de crier au génie après chaque spectacle auquel j’assiste – et d’ailleurs je trouve mes critiques dans la grande majorité positives.
Pour avoir vu le spectacle, pour de vrai, je partage à mille pour cent votre critique. Encore un p’tit jeune qui veut dépoussiéré son art, en reprenant les recettes des anciens. La nouveauté ? La vulgarité. C’est tout. Mais nous sommes dans un siècle vulgaire. Pas de surprise, une absence de texte(s) ”intelligent”, une interaction très limité avec sa poupée. Poupée que l’on voit chez tous les ventriloques pros ou non. Et ça sent, quand même, la copie d’un ventriloque qui occupait sa place, avant, au plus grand cabaret. Avec un singe. Ventriloque qu’il se défend d’avoir copier. Et la marmotte… Bref, y a encore du boulot.