Pierre Aucaigne en pleine crise
De Pierre Aucaigne
Mis en scène par Jean-Luc Barbezat
Avec Pierre Aucaigne
Costumes par Virginie Mouche
Théâtre de Poche de la Grenette, Vevey, Suisse
Produit par Cessez Productions (producteur, tourneur), Théâtre de Poche de la Grenette (organisateur)
Représentation du dimanche 22 mars 2015, 17h00
Placé en (placement libre)
Prix payé 30.00 CHF (Pass découverte : 4 spectacles pour 120.00 CHF)
Pierre Aucaigne, le plus fou de tous les humoristes
[photo sans crédit, via le Théâtre du Passage]
J’adore Pierre Aucaigne. Totalement fou sur scène, des textes idiots juste comme je les aime (à savoir avec une absurdité bien dosée), des jeux de mots consternants, bref, la perfection. Oui, je sais, dire que quelqu’un est génial en utilisant les mots “fou”, “idiot” et “consternant” est un peu paradoxal, mais je ne vois pas une meilleure façon de le décrire.
J’avais donc un billet pour une représentation de son nouveau spectacle (joué depuis quelques mois) au très sympathique Théâtre de Poche de la Grenette, à Vevey. Une toute petite salle dans un caveau, de quoi apprécier au mieux ce genre de one man show.
Le précédent spectacle de Pierre Aucaigne, “Cessez” (toujours joué sur quelques dates d’après son site), nous faisait assister à un gala de charité présenté par un directeur de théâtre complètement fou (“Ah mais cessez, êtes-vous seuls parmi les autres ?”), où tous les invités prévus posaient des lapins et où les quelques intervenants interprétés par Pierre Aucaigne (le cuisinier, l’organisateur d’une manifestation, etc.) étaient tous plus fous les uns que les autres. Un spectacle que j’ai vu deux fois en live et quelques fois à la télé, dont je ne me lasserai jamais, dont je connais quelques passages limite par-coeur et dont j’adore ré-utiliser certaines répliques (“La saison prochaine il y aura pièce qui raconte l’histoire d’un grand bataillon de nains – enfin, le bataillon est grand, les nains non – qui poussent pendant toute la pièce un énorme cube de deux mètres par huit, ça dure sept heures”, “C’est pas parce-qu’on met un gland sur la télé qu’on aura plus de chaînes”, “Ca s’allume, ça s’éteint et en plus ça clignote ?”, “Au lieu de faire cent groupes de un on fera un groupe de cent”, etc.).
Pour ce nouveau spectacle, “Pierre Aucaigne en pleine crise”, l’action passe du théâtre à la télé. L’humoriste incarne un animateur censé présenter un direct sur une chaîne locale, Canal Bêta. Sauf qu’il se retrouve seul, personne ne viendra sur le plateau, ni les invités prévus, ni même l’équipe technique. La formule est un peu la même que celle du spectacle précédent, mais l’idée est amusante.
Pierre Aucaigne monte sur scène avec sa valise, rentrant dès les premières secondes dans la peau de son personnage de présentateur télé complètement déjanté, prenant sa valise pour un animal vivant. C’est complètement con mais très drôle.
Pour la suite, il décide tout d’abord de remplacer le chauffeur de salle absent, l’occasion d’apprendre au public comment applaudir. Puis il va se maquiller tout seul et tenter de repasser son costume. Et enfin l’émission commence… Vu que personne n’arrive sur le plateau télé, le personnage campé par Pierre Aucaigne décide de tout faire lui même : les génériques, les différentes rubriques (dont un médecin effrayant nous parlant de chirurgie esthétique), les publicités, les reportages naturels (grand n’importe quoi que le moment consacré à la chasse à courre, bruitages compris), les débats, les duplexes (dont le Bêtathon, censé aider Canal Bêta à s’acheter du matériel, commenté par Jean-Philippe Desperles, alias Jean-Phil’ Desperles, en direct de St-Imier, où les pompiers locaux construisent une maquette en capsules de bière… le problème étant qu’ils sont trois et qu’ils doivent d’abord vider les bouteilles de bière), les invités culturels, les numéros de divertissement (l’homme invisible, évidemment, mais également un étonnant humoriste roumain dont la carrière semble prometteuse), etc.
Je disais en introduction que j’aimais la façon dont Pierre Aucaigne dosait son absurdité. Dans ce nouveau spectacle, il va un cran au-dessus, un cran trop haut serais-je tenté de dire. Du coup, par moment, ça marche moins, le public a du mal à le suivre dans sa folie total. Difficile pour moi de cerner plus précisément ce qui provoque cette situation… Peut-être le fait que, contrairement à ce qu’il faisait dans “Cessez”, Pierre Aucaigne interprète ici non pas plusieurs intervenants mais un seul personnage, pas tout seul dans sa tête, s’imaginant faire un direct à lui tout seul ?
Cela dit, les autres charmes de Pierre Aucaigne sont bel et bien présents. Quelques jeux de mots particulièrement mauvais et donc hilarants sont disséminés au fil du texte, et le jeu de l’humoriste est toujours autant exceptionnel. C’est rare d’avoir quelqu’un au talent d’expressions faciales autant développé que celui de Louis de Funès, et c’est clairement le cas de Pierre Aucaigne.
Concernant la mise en scène, il faut préciser que la configuration du théâtre et sa scène minuscule ont probablement conduit à une version spéciale du spectacle. D’ailleurs l’affiche mentionne des lumières de Vincent Orlandini, alors qu’au Théâtre de Poche de la Grenette l’éclairage a été fait avec les moyens du bord (par quelqu’un n’ayant apparemment jamais pointé un projecteur de sa vie d’ailleurs, c’est dommage, les vieilles pierres du caveau peuvent donner une ambiance sympa à la scène, mais là c’était fait n’importe comment).
En conclusion donc, un bon one man show, malheureusement pas au niveau de “Cessez” qui était, il faut le dire, d’une perfection quasi-totale. Cela dit, “Pierre Aucaigne en pleine crise” ne tourne que depuis quelques temps, peut-être qu’au fil des représentation son interprète va l’améliorer, supprimer quelques longueurs et affiner les passages fonctionnant le moins. Je recommanderais ce spectacle en priorité aux fans de Pierre Aucaigne et aux amateurs d’absurde poussé dans ses derniers retranchements. Pour les autres, je leur demande de ne pas bouder Pierre Aucaigne et de foncer le voir dès que possible dans son incroyable “Cessez” où dans une pièce de théâtre de boulevard où il brûle les planches !
Je m’excuse pour le pavé de texte sans photos contrairement à mes habitudes, mais il m’a malheureusement été impossible de trouver la moindre photo du spectacle…