Koozå
De David Shiner
Collaboration artistique avec Guy Laliberté (guide), Serge Roy (directeur de la création)
Mis en scène par David Shiner
Chorégraphies par Clarence Ford
Performances acrobatiques conçues par André Simard
Avec le Cirque du Soleil
Scénographie par Stéphane Roy
Equipements acrobatiques par Danny Zen
Accessoires par Rogé Francoeur
Lumières par Martin Labrecque
Musiques par Jean-François Côté
Création sonore par Jonathan Deans, Leon Rothenberg
Costumes par Marie-Chantale Vaillancourt
Maquillages par Florence Cornet
Théâtre Grand Chapiteau (monté sur la Grosse Allmend), Bern, Suisse
Produit par Cirque du Soleil (producteur, tourneur, organisateur), abc Production (organisateur)
Représentation du dimanche 15 mars 2015 à 18h00
Placé en première catégorie (rang P, place 5)
Prix payé 99.00 CHF
Une partie de la troupe du Cirque du Soleil devant le magnifique décor de fond de scène
[photo de Owen Carey, via le dossier de presse]
Koozå fut mon huitième spectacle du Cirque du Soleil, avec toujours le même plaisir de découvrir ce qui se fait de mieux dans le monde du spectacle, autant au niveau artistique qu’au niveau technique. Cette fois-ci c’est à Berne que la troupe québécoise donnait rendez-vous à son fidèle public suisse. Et elle l’attendait non pas en aréna, comme trop souvent lors de leurs derniers passages en terre helvétique, mais bien sous un de leur Grand Chapiteau (quasiment 2’500 places tout de même). Le chapiteau ajoute beaucoup à l’ambiance du spectacle et donne un sentiment de proximité bien plus agréable que celui qui se dégage dans une gigantesque salle impersonnelle.
Surprise en s’installant à ma place, le décor de Koozå est (pour le moment) particulièrement dépouillé, l’arrière de la scène étant masqué par une énorme pièce de tissu. Comme toujours au Cirque du Soleil, le spectacle commence avant l’heure de début de la représentation, quelques personnages se promenant dans les gradins en interagissant avec les spectateurs, animant le chapiteau de façon humoristique.
Une fois les annonces d’usage (“éteins ton téléphone tout de suite espèce de geek” et “merci gentil-gentil sponsor” en résumé), le spectacle à proprement parler commence par l’entrée en scène de l’Innocent, héros de l’histoire, petite taille, costume rayé en nuances de gris. Il tente de faire voler son cerf-volant dépareillé, sans succès, lorsqu’il reçoit un paquet, contenant rien de moins que le Trickster, deuxième personnage principal du scénario. Ce dernier ouvre alors les portes de Koozå grâce à quelques gestes bien placés de sa baguette magique, illuminant tour à tour les recoins du chapiteau. Il finira par faire se déployer la grande surface de tissu située à l’arrière-scène, dévoilant une haute structure qui servira de décor principal au spectacle.
Ca paraît un peu ridicule dit comme ça, mais David Shiner signe ici une très belle introduction, la révélation du décor étant techniquement irréprochable et superbement mise en scène, avec une parfaite touche musicale. Il ne reste plus qu’au public à suivre l’Innocent…
Le très beau numéro de contorsion
[photo de OSA Images, via le dossier de presse]
Après cette introduction, les spectateurs découvrent quelques sympathiques acrobaties (sauts, tours humaines, etc.) dans une ambiance festive avant de plonger dans le numéro de contorsion qui, étonnamment, met en scène trois artistes. J’ai beau ne pas être le plus grand client de cet art du cirque, il faut reconnaître que la démonstration est parfaite de bout en bout, très joliment mise en valeur sur une plate-forme avançant jusqu’au centre de la scène, avec un subtil éclairage.
La transition vers le numéro de monocycle se fait par le biais d’une course poursuite impliquant entre autres les clowns de Koozå – deux personnages loufoques au service d’un Roi au style et au charisme marquants – et… un chien. Le Cirque du Soleil ne mettant jamais d’animaux en scène, c’est un acteur vêtu d’un déguisement style fête foraine ringarde qui endosse le rôle. Ca détonne vraiment au milieu des magnifiques costumes du spectacle, sans compter que je ne sois pas bien sûr de l’utilité du personnage dans le scénario (si ce n’est que le chien est complice avec l’Innocent).
Bref, je reviens au monocycle, présenté en couple, lui pédalant, elle se faisant porter. Très chorégraphié, le numéro est parfaitement exécuté et original par rapport à l’utilisation traditionnelle faite du monocycle dans le monde du cirque.
Nouvelle transition, nouvelle apparition des clowns. Je ne suis pas un grand fan de l’humour très extravagant généralement mis en avant dans les productions du Cirque du Soleil, mais le trio à l’affiche de ce spectacle possède un réel talent pour interagir avec des soi-disants “volontaires” pris au hasard dans le public. Le problème de cet intermède est qu’il se termine par une nouvelle course poursuite, dans les gradins cette fois (ce qui est nécessaire à l’installation sur scène du matériel pour la suite du spectacle), et que ça s’éternise… C’est le seul temps mort des quelques deux heures de spectacle, c’est dommage.
Les quatre funambules en toute décontraction…
[photo de OSA Images, via le dossier de presse]
La suite du spectacle est dédiée aux funambules, ceux-ci commençant par nous montrer ce dont ils sont capables sur “deux étages” (deux artistes sur un câble, deux autres sur un deuxième câble tendu juste au-dessus). Ensuite, les quatre acrobates se rejoignent sur le câble du haut, font une pause escrime et terminent leur démonstration par une impressionnante traversée à vélo, visible sur la photo ci-dessus. Très bon moment.
C’est ainsi que se termine le premier acte, de grande qualité bien qu’un peu court (d’après ce que j’ai lu un numéro de trapèze est normalement censé compléter l’ensemble, dommage qu’il ait été retiré sans être remplacé…).
Le temps d’une petite pause et le public retrouve l’Innocent sur scène, aux commandes de la baguette magique du Trickster. Sa manipulation nous emmène dans un monde étonnant, puisqu’il fait apparaître une armée de squelettes… Des rats passent, la mort en personne fait son apparition, et tout ce petit monde se met à danser dans une ambiance de cabaret assez géniale.
Cette tribu macabre introduit les deux artistes suivants, alors que la célèbre roue de la mort descend des hauteurs du chapiteau… C’est parti pour quelques minutes très impressionnantes, même en ayant déjà vu plusieurs fois ce genre du numéro. Le clou du spectacle, à n’en pas douter.
Les deux acrobates défiant la roue de la mort, première partie (la deuxième partie se déroulant sur la face extérieure des anneaux métalliques)…
[photo de OSA Images, via le dossier de presse]
La musique accompagnant ce numéro (du live, comme toujours au Cirque du Soleil, l’orchestre étant ici placé au premier étage de la structure de fond de scène) est beaucoup plus rock que celle du reste du spectacle, axée sur les cuivres. Elle fait pendant ces quelques minutes la part belle aux percussions, ce qui me permet de signaler une belle trouvaille de mise en scène (non visible sur la photo ci-dessus) : une batterie est installée derrière les rideaux, fermés durant le numéro mais éclairés par derrière, ce qui donne un super effet d’ombres chinoises. Un de ces petits plus qui fait que le Cirque du Soleil soit ce qu’il est ! Durant le démontage de la roue de la mort, le rideau s’ouvre, la batterie s’avance, et le public a droit à un sympathique solo.
Cette très belle ouverture du second acte débouche malheureusement sur le numéro le plus faible du spectacle, à savoir une démonstration de hula hoop vraiment pas passionnante…
Après un nouvel intermède clownesque, ceux-ci étant toujours autant enclins à jouer avec les spectateurs, arrive le moment des “chaises chinoises”, un numéro jamais vu pour ma part. L’idée est toute simple : empiler huit chaises l’une par-dessus l’autre et aller faire le guignol par là-dessus. Original, joli, un bon moment du spectacle (bien que, en étant pénible, il y a moyen de râler sur la lenteur à laquelle l’artiste descend en démontant sa structure à la fin du numéro, il y aurait pu avoir un moyen d’animer ça).
Le meilleur vendeur Ikea du mois…
[photo de OSA Images, via le dossier de presse]
Voilà déjà l’heure du dernier numéro avant le final, celui de la planche sautoir, certes déjà vu dans tout cirque digne de ce nom, mais ici très bien mis en scène avec une musique entraînante, des artistes de grand talent et des sauts vraiment impressionnants.
Les artistes s’en vont tandis que les personnages principaux de Koozå restent seuls sur scène – nous voici arrivés à la fin… L’Innocent rend sa baguette magique au Trickster, se voit remettre la couronne de Koozå des mains du Roi en personne et son ami le chien lui apporte son cerf-volant tandis que le Trickster “remballe” le décor. Dans une magnifique scène finale faisant écho à l’ouverture présentée quelques deux heures auparavant, l’Innocent, dont les couleurs des vêtements (et du cerf-volant !) sont depuis devenues semblables à celles que revêt le Trickster, parvient maintenant sans soucis à faire voler son resplendissant cerf-volant… Un final tout autant réussi que ne l’était le début !
Les artistes du spectacle avec, au premier plan, l’Innocent et le Trickster
[photo de Owen Carey, via le dossier de presse]
Une fois de plus, le Cirque du Soleil présente avec Koozå un show artistiquement parfait avec une machinerie technique réglée au millimètre, jouant pour beaucoup dans la réussite des productions québécoises. 170 personnes (dont 53 artistes) tournant en permanence avec le show, 120 travailleurs engagés dans chaque ville visitée, 175 costumes, 60 camions nécessaires à déplacer tout le matériel, déjà huit ans de tournée et plus de 2’000 représentations… une véritable folie que les artistes arrivent à éclipser au profit du spectacle.
En conclusion, vous l’aurez compris, j’ai adoré. Pas autant que Corteo, la plus grande réussite du Cirque du Soleil à laquelle j’aie assisté (et ça va être dur à battre !), puisque, il faut l’avouer, Koozå reste un spectacle de cirque assez classique, sans incroyable élément de décor comme dans certains des autres spectacles de la troupe et sans univers développé à l’extrême. Koozå a une histoire assez simple (le classique coup du personnage malheureux transporté dans un monde merveilleux pour lui redonner le sourire), des numéros très axés sur l’acrobatie et les clowns (exception faite de la très belle chorégraphie squelettique ouvrant le deuxième acte) et une construction assez classique. Mais qu’importe, c’est beau, c’est rythmé, c’est talentueux, c’est brillant, c’est travaillé à l’extrême, c’est à voir jusqu’au 4 avril à Berne, ça marche à la perfection et le public en redemande – et moi avec !