Renaud
Chant, guitare par Renaud
Guitare, piano, chœurs, direction musicale par Michaël Ohayon
Guitare, basse par Marco Papazian
Basse, piano, chœurs par Evert Verhees
Piano, claviers, accordéon, trompette, chœurs par Jean-François “Tintin” Berger
Violon, alto, banjo, mandoline, guitare, flute irlandaise par Geoffrey Richardson
Batterie par Philippe Draï
Première partie : Gauvain Sers
Chant, guitare par Gauvain Sers
Guitares par Martial Bort
Salle de concert Geneva Arena, Le Grand-Saconnex, Suisse
Produit par Backline (producteur, tourneur), Live Music Production (organisateur)
Concert du jeudi 26 janvier 2017 à 20h00
Placé en places debout
Payé 50.00 CHF
Renaud devant l’Arena pleine à craquer
[photo de Pierre Albouy, via la Tribune de Genève]
Ah, Renaud… Dans la catégorie des artistes que je ne pensais pas avoir un jour la chance de revoir sur scène (je l’avais en effet déjà vu au Festival du Chant du Gros en 2007), il arrivait au premier rang sans concurrence possible ! Et je dois dire que ça me décevait beaucoup, étant donné que je connais ses chansons depuis un sacré bon bout de temps, que c’est le seul représentant ayant du talent de ce qu’on appelle la variété française, que c’est un des uniques artistes dont je possède la discographie (quasi-)complète et que je l’écoute très régulièrement.
Autant dire qu’à la sortie de son single de retour, “Toujours debout”, le 26 janvier 2016 (soit une année jour pour jour avant ce concert !), j’attendais vivement l’occasion de le revoir en live. Le rendez-vous sera finalement fixé du côté de l’Arena, à peu près quatre mois après sa première en région parisienne. Surprise en entrant dans la salle genevoise, des gradins mobiles ont été ajoutés, réduisant d’autant la taille de la fosse – où j’ai évidemment choisi de prendre mon billet, qui aurait idée d’assister à un concert assis !?
Quinze minutes avant l’heure de début annoncée, le timbre de Renaud retentit en voix off pour nous présenter Gauvain Sers, qui fera sa première partie. Celui-ci, à la guitare et à la voix, accompagné d’un second guitariste, interprète quelques chansons devant l’écran cachant pour l’instant l’ensemble de la scène, sur un espace réduit au minimum vital ! Et ce Gauvain, riant lui-même de ses similitudes avec Renaud, tant physiques qu’en matière d’écriture, sera une excellente surprise. Coup de cœur pour ses trois premières chansons : “Pourvu”, texte très drôle sur sa femme idéale, “Hénin-Beaumont”, superbe plaidoyer contre le maire de la commune éponyme, et l’excellente “Mon rameau”, dans laquelle il se met dans la peau de la statue de la Place de la République. En bref, une belle découverte, j’attends avec impatience son premier album !
Et maintenant, c’est l’heure de braquer les projecteurs sur la star de la soirée…
[photo de Pierre Albouy, via la Tribune de Genève]
Gauvin Sers parti, la salle s’obscurcit après quelques minutes d’attente tandis que retentissent les premières notes de “Toujours vivant”. Sur l’écran placé devant la scène est projetée une vidéo nous faisant avancer à travers un tunnel. Au bout, la lumière, dans laquelle se tient Renaud. Il nous fait un signe de la main, l’écran tombe et révèle le vrai Renaud. Effet classique mais toujours efficace !
Sauf que juste derrière arrive la première phrase de la chanson et que c’est la catastrophe la plus totale ! Le problème ne vient même pas tellement de la voix éraillée que l’on connaît à Renaud, non, c’est pire que ça : il est systématiquement en dehors du rythme, chante totalement faux, parle plus souvent qu’il ne chante, et inverse en plus quelques paroles. Pire, l’artiste tremble à un tel point qu’il n’arrive que difficilement à maintenir le micro face à sa bouche, même en le tenant à deux mains – il donne l’impression qu’il va s’écrouler d’un moment à l’autre. Bref, ça fait un peu peur… C’est en plus un des rares moments du concert où le public ne chante pas, sans que je ne sache si c’est parce qu’il ne connaît pas cette chanson ou si c’est pour juger de l’état vocal de son idole – si c’est le cas, les spectateurs genevois auront vite été fixés ! Résultat de ce massacre en règle, le couplet censé être le moment d’émotion de la chanson (“Mais je n’vous ai jamais oubliés, et pour ceux à qui j’ai manqué, vous les fidèles je reviens vous dire merci, vous m’avez manqué vous aussi”) se transforme en un instant plutôt désolant.
Le concert se poursuit avec le titre de son précédent retour, “Docteur Renaud Mister Renard” ; pas mieux. Puis vient celle que Renaud nous décrit comme sa chanson préférée, “En cloque”. Suit “La pèche à la ligne”, dont j’adore la mélodie de la version album, mais dont les arrangements m’ont un peu déçu en live. Ca sera d’ailleurs la seule fois de la soirée, tellement les musiciens et le travail musical sont excellents sur ce concert.
Les musiciens entourant Renaud jouent beaucoup dans la réussite de la tournée
[photo de Joesph Carlucci, via la page Facebook de Live Music Production]
A partir de ce moment là, curieusement, la catastrophe s’estompe progressivement et le public retrouve avec plaisir un Renaud digne de ce nom. Certes, ça n’est toujours pas un grand chanteur, mais tout le monde le sait et ça n’est de loin pas ce qu’on lui demande. Au moins, pour les 2h15 qui suivront, il chantera dans le rythme, à peu près juste, tremblera de moins en moins et semblera même à l’aise avec son public !
Alors oui, c’est vrai, après le premier morceau de la soirée, il nous avait prévenus qu’il avait une rhino-pharyngite et que ça n’arrangeait pas sa voix, mais qu’il savait qu’on n’était de tout de façon pas là pour entendre Céline Dion ou Florent Pagny (je confirme, j’ai un tant soit peu de goût musical !). Cependant, je ne pense pas que ça soit la raison de ce mauvais début ; après un petit tour sur YouTube, le premier quart d’heure du concert semble raté chaque soir. A croire que c’est plus du trac qu’autre chose en fait…
Bref, le spectacle se poursuit avec “Marche à l’ombre”, l’excellente “Les mots” du dernier album, puis la selon moi dispensable “Etudiant poil aux dents”. “J’ai embrassé un flic” réveillera les vrais anars du public, qui n’ont pas pardonné ce texte à Renaud. Personnellement, je trouve tout à fait compatible d’être à tendance anarchiste et de reconnaître l’utilité de la police lors d’attentats, mais bon… Ce qui me dérange beaucoup plus, c’est que Renaud renie certaines de ses anciennes chansons, mais nous en reparlerons. En attendant, le chanteur enchaîne en précisant que, si sa position sur les policiers a évolué, il est toujours antimilitariste, d’où “La médaille”. Malheureusement, ça sera l’occasion du gros trou de mémoire du concert (et ce malgré les prompteurs de bonne taille), gâchant totalement ce très beau texte, à la grande déception de l’artiste visiblement.
Viennent “Les aventures de Gérard Lambert”, nouvelle dans la setlist, “Héloïse”, “A la téloche” puis “Hyper Casher”. C’est alors au tour d’un classique d’être interprété : “Dans mon HLM”. J’en profite pour placer un mot sur la scénographie du concert. Pas d’énormes décors comme sur les tournées précédentes de Renaud – à la place, des écrans entourant toute la scène, et non pas des hologrammes comme il se lit dans certains articles. Sont projetés la plupart du temps des vues d’un Paris stylisé, ou quelques décors adaptés à la chanson (un carrousel pour “Mistral gagnant” par exemple). Sur “J’ai embrassé un flic”, la vidéo est un peu plus complexe, avec un amusant clip rempli de personnages silhouettés façon Playmobil. Le rendu de ces vidéos est excellent, avec une vraie impression de mouvement lors des travellings. Le tout se combine à merveille aux très beaux éclairages du concert.
La seule photo genevoise trouvée qui montre un tant soit peu les écrans – ça vous donne au moins une idée…
[photo de Joesph Carlucci, via la page Facebook de Live Music Production]
Après le slam “Ta batterie” et “Mort les enfants”, que Renaud dédie aux Syriens, les tubes s’enchaînent : “Manhattan-Kaboul”, “Manu” et “La ballade nord-irlandaise”, grand moment de la soirée, que le public reprendra d’ailleurs en cœur quelques instants plus tard. Devant ce succès, le chanteur profite d’une de ses nombreuses interactions avec ses fans pour leur soumettre son idée de se présenter à la présidentielle française ! Il enchaîne vite fait en énumérant tous les candidats en “-on”, de Fillon à Mélenchon, en terminant par un “tous des cons”. Ca, c’est fait !
“C’est mon dernier bal” sera la chanson suivante, de quoi faire décoller l’ambiance d’un cran, pourtant déjà bien haute après le très bel enchaînement auquel nous venons d’avoir droit. Puis arrive “Morgane de toi”, où Renaud a la très drôle idée de pousser la note sur les “-a” finales du refrain. Il s’arrange pour éviter tous les passages plus complexes vocalement sur ses autres chansons, pourquoi nous imposer ici cette véritable torture auditive ? Mystère !
Dernière ligne droite avec “500 connards sur la ligne de départ”, “Germaine”, la festive “Dès que le vent soufflera” puis, évidemment, la chanson préférée des Français d’après un sondage, “Mistral gagnant”. Ce moment romantique est directement contre-balancé par la très dépressive “La vie est moche et c’est trop court”.
Après plus de deux heures de concert, Renaud sort de scène, mais revient bien vite clope au bec nous présenter ses musiciens. Quasiment tous sont multi-instrumentistes et passent d’un instrument à l’autre tout au long du spectacle. C’est assez rare pour le souligner, d’autant que c’est parfaitement maitrisé et que tous les musiciens sont véritablement excellents ! Quand au chef d’orchestre, Michaël Ohayon, si son travail d’arrangement pour ce live est quasiment sans fausse note de bout en bout, il en fait parfois un peu trop avec son jeu d’acteur et son style de premier de la classe.
Michaël Ohayon, principal compositeur du nouvel album et responsable des arrangements sur le Phénix Tour
[photo de Pierre Albouy, via la Tribune de Genève]
Le rappel commencera par “Marchand de cailloux”, puis se poursuivra par un long et excellent medley permettant d’égrainer les quelques succès de Renaud pas encore joués ce soir-là : “Chanson pour Pierrot”, “Hexagone”, “Laisse béton”, “Ma gonzesse”, “It Is Not Because You Are”, “Miss Maggie” et “La mère à Titi”. C’est quand on voit le nombre de tubes se retrouvant relégués dans le medley qu’on se dit que la carrière de Renaud est véritablement exceptionnelle !
La sortie de scène se fera sur la chanson nommée de façon très à propos “Fatigué”, avant que Renaud ne se transforme en phénix sur les écrans – comme pour le début du spectacle, un effet simple mais parfait. Et c’est ainsi que s’achèvent deux heures et demie de concert… le tout pour 50 CHF, un prix vraiment bas vu la durée et la renommée de l’artiste, il faut le dire !
En résumé, après un premier quart d’heure effrayant, ça aura été une soirée absolument géniale. Certes, le plaisir de revoir Renaud et l’ambiance dans le public, chantant une grande partie des textes par cœur, y sont pour quelque chose, mais l’artiste y est aussi pour beaucoup, présent, généreux, et loin d’être ridicule durant 2h15 sur 2h30 ! Du côté technique, le décor virtuel est très agréable, se mariant parfaitement à l’éclairage. L’incroyablement talentueux ensemble de musiciens a été mis en valeur par un son vraiment excellent, dans la fosse en tout cas, si ce n’est une voix un peu en retrait sur quelques titres. Quant à la set list, elle est très bonne, même si, évidemment, chacun a ses préférences (personnellement, il m’a manqué, entre autres, “Je suis une bande de jeunes”, “Déserteur”, “Si t’es mon pote”, “Mulholland Drive” ou encore “Elle est facho”, et j’aurais bien voulu entendre “Laisse béton” et “Miss Maggie” en entier plutôt que de les avoir dans le medley). Mon plus gros regret vient surtout de “Hexagone”, reléguée dans ce “pot-pourri”, alors que c’est pour moi la meilleure chanson de Renaud… mais il paraît qu’il n’assume plus les paroles concernant le mois de février… Bref, oublions ça, ce fut un excellent concert, et j’espère revoir Renaud au plus vite, pour deux nouvelles heures et demie de plaisir !
Petite remarque concernant les photos : que ce soit la galerie de la Tribune de Genève ou les photos trouvées sur la page Facebook de l’organisateur, elles ont été mises en ligne en taille minuscule, d’où la qualité pas très agréable. Elles datent en plus du concert du mercredi (alors que j’y étais le jeudi) et aucune d’entre elles ne propose une vue d’ensemble, d’où le fait que je ne puisse pas vous montrer la très jolie intégration des écrans sur scène – désolé.