West Side Story
De Jerome Robbins (idée originale)
Livret par Arthur Laurents
Musiques par Leonard Bernstein (compositeur), Stephen Sondheim (parolier), Donald Chan (directeur musical)
Mis en scène par Jerome Robbins (mise en scène originale), Joey McKneely
Chorégraphies par Jerome Robbin (chorégraphies originales), Joey McKneely, Eric Rolland (responsable des danseurs en tournée)
Avec Kevin Hack, Jenna Burns, Keely Beirne, Beau Hutchings, Waldemar Quinones-Villanueva, Dennis Holland, Michael Scott, Kenn Christopher, Eric Rolland, Joe Bigelow, Ryan P. Cyr, Daniel Russell, Logan Scott Mitchell, Andy Frank, Kyle Weiler, Lauren Guerra, Jill Gittleman, Carley Ingold, Veronica Fiaoni, Natalia Sanchez, Julio Catano-Yee, Cameron Mitchell Jackson, Georgios Maniadis Metaxas, Nahum McLean, Matthew Ranaudo, A. J. Lockhart, Natalie Ballenger, Kelsey Elisabeth Holley, Lauren Soto, Kayla Moniz, Nikki Croker, Jeff Sullivan (swing)
Décors par Paul Gallis
Lumières par Peter Halbsgut
Création sonore par Rick Clarke
Costumes par Renate Schmitzer
Maquillages par Hannelore Uhrmacher
Théâtre Theater 11, Zürich, Suisse
Produit par BB Promotion (producteur, tourneur), Sundance Productions (producteur), Michael Brenner (producteur), Freddy Burger Management (organisateur)
Représentation du jeudi 5 janvier 2017 à 19h30
Placé en ?ème catégorie (parterre rang 15, place 15)
Payé 128.00 CHF
Les Sharks à gauche, les Jets à droite – il manque les adultes de l’histoire pour avoir la distribution au complet
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
Dans la catégorie des comédies musicales historiques, West Side Story figure à une bonne place. Montée pour la première fois sur Broadway en 1957, et suivie d’un film multi-oscarisé sorti en 1961 (que j’ai vu une semaine avant la version scénique), West Side Story est devenue culte, tant pour ses chorégraphies et sa musique que pour son histoire, une transposition à New York du Roméo et Juliette shakespearien.
Le superbe Theater 11 zurichois a eu l’excellente idée de programmer la troupe montée par BB Promotion pour une tournée mondiale (qui passera notamment par Paris, dans la toute neuve Seine Musicale, d’octobre à novembre 2017). La production est loin d’être au rabais puisque le metteur en scène et chorégraphe Joey McKneely a déjà travaillé à de nombreuses reprises sur West Side Story, notamment en montant une version parisienne au Théâtre du Châtelet, et que le chef d’orchestre a dirigé plus de 3’000 fois la partition de Leonard Bernstein !
Ayant découvert le film, comme dit, juste avant d’assister à la comédie musicale en live, je m’inquiétais de retrouver le côté hyper kitsch des chorégraphies et le jeu d’acteur un peu à l’ouest (oh, la bonne blague…) qui y sont visible, et qui n’ont pas très bien vieillis. La scène d’introduction du long-métrage est franchement risible, avec ses combats dansés de la façon la moins virile et la plus simulée et surjouée du monde, à des années-lumière de la représentation d’altercations que l’on peut voir aujourd’hui dans n’importe quelle œuvre. Au final, si la version présentée sur scène n’est absolument pas plus réaliste que celle tournée dans les années 60, le tout passe beaucoup mieux dans un théâtre que sur un écran, sans que j’arrive à expliquer pourquoi.
Un combat de gangs new-yorkais… très légèrement stylisé (non parce que, soyons honnêtes, ça n’est peut-être pas le meilleur moyen de faire mal à son adversaire !)
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
Mais avant de me lancer dans ce genre de comparaisons stylistiques, j’aurais dû rapidement résumer l’intrigue, pour ceux qui ne la connaissent pas. Vous l’aurez compris, nous sommes à West Side, quartier new-yorkais dans lequel deux bandes s’affrontent. D’un côté, les Sharks, formée de Portoricains récemment arrivés dans le pays de l’Oncle Sam. De l’autre, les Jets, blancs, persuadés d’être les bons vrais Américains, alors qu’ils sont nés de parents immigrés européens. Au milieu, un lieutenant et un policier, clairement racistes et antijeunes. Et voilà que Tony, meilleur ami du chef des Jets, tombe amoureux de la sœur du leader des Sharks, Maria (c’est le nom de la sœur, pas du leader, tentez de suivre !), pourtant déjà promise à un Portoricain. Forcément, leur amour est un peu compliqué à accepter de part et d’autre, et l’histoire va sombrer dans la tragédie, avec pas mal de morts – mais sans une goutte de sang visible, évidemment, rappelez-vous du côté stylisé de la violence dans West Side Story.
Voilà donc le résumé du début du premier acte qui se déroule, après la danse introductive mentionnée plus haut, au son de l’hymne des Jets (“Jet Song”) puis de la très jolie “Something’s Coming” (chantée par Tony qui sent que l’amour va le frapper), avant la scène du bal, accusant elle aussi son âge ; qu’est-ce que foutent tous ces jeunes à danser au lieu de boire des verres, hein ?
Les Jets et leurs partenaires lors du bal
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
Le coup de foudre ayant eu lieu et le bal se terminant, Tony s’en va chanter le célèbre titre “Tonight” à Maria dans une scène où le balcon de Roméo et Juliette est transposé en escaliers de secours extérieurs typiques des immeubles new-yorkais. Pendant ce temps, les chefs de gangs se donnent rendez-vous pour en découdre. L’histoire se poursuit avec un autre tube de cette comédie musicale, “America”, dans lequel les Portoricaines se disputent sur les différences positives ou négatives entre leur pays d’origine et celui d’adoption. Les paroles ironiques sont vraiment très bonnes (une constante dans West Side Story), et n’ont pas pris une ride, contrairement à d’autres scènes.
La scène shakespearienne du balcon adaptée à la sauce new-yorkaise
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
Je vais arrêter là le récit chronologique de l’action, mais sachez que le premier acte se termine avec les deux premiers morts de l’histoire, faisant entrer l’intrigue dans un univers plus sombre pour la suite du spectacle.
Je profite de l’entracte pour parler du casting : comme souvent dans ce genre de productions, c’est un sans faute, avec un excellent niveau général tant en danse qu’en comédie et en chant. Petite bizarrerie de ce côté-là, la voix de Jenna Burns (Maria) est beaucoup plus lyrique que celle de tous les autres comédiens. Elle chante parfaitement bien, certes, mais le contraste entre les deux types d’interprétation est parfois légèrement déstabilisant. Mes mentions spéciales iront aux deux leaders des Sharks, très bons dans leur rôle un peu cruel, et à Baby John, membre des Jets interprété par le jeune Daniel Russell, au charisme rendant sa présence sur scène toujours visible.
Baby John, personnage secondaire souvent au premier plan dans les scènes dansées
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
Le deuxième acte commence par un tableau de danse sans grand rapport avec l’histoire. Par la suite, l’action décolle, oscillant entre les amoureux à la passion de plus en plus menacée et les envies de vengeance de plus en plus incontrôlées de la part des deux gangs. Excellent moment musical de ce second acte, “Gee, Officer Krupke”, tirade à haute dose d’ironie des Jets sur tout le système judiciaire, politique et social entourant les quartiers défavorisés. Les paroles géniales sont accompagnées par une mise en scène relevée et sans fausse note, comme tout au long du spectacle d’ailleurs.
Le caricatural agent Krupke, petit rôle brillamment tenu par Kenn Christopher
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
Le final du spectacle, avec une tension dramatique à son apogée, fonctionne parfaitement et clos avec brio la soirée. Surprise au moment des saluts, le chef d’orchestre monte sur scène, ce qui ne permet pas aux musiciens de jouer pour les accompagner ni d’interpréter un dernier morceau lorsque les spectateurs sortent de la salle, comme il est généralement de coutume dans le monde des comédies musicales.
Un petit mot sur les décors – il n’est pas forcément facile de s’en rendre compte sur les photos, mais les très jolis et efficaces murs affublés d’escaliers de secours sont mobiles, et permettent de modeler très intelligemment la taille du plateau. Mieux, pour les quelques moments se déroulant en intérieur, ce système aide à créer des espaces relativement petits propices à la mise en scène de l’action.
Exemple d’une scène d’intérieur avec une des premières rencontres entre Tony et Maria, dans la boutique de robes où travaille cette dernière
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
Petit regret, le fond de scène est un simple cyclo éclairé ou recouvert d’une projection d’une image de New York. C’est parfois un peu cheap et c’est d’autant plus dommage que le reste de l’éclairage est parfaitement réussi. Du moment que je parle technique, un petit mot sur le son, qui manquait un peu de volume à mon avis.
Dernière remarque avant de conclure : j’ai été très surpris de constater que des chansons étaient placées à des endroits différents entre la version scénique et le film ! Après vérification, l’ordre dans lequel les morceaux ont été interprétés ce soir-là est bien le même que dans la production originale à Broadway, c’est le long-métrage qui a décidé de revoir les enchaînements. Et je reproche d’ailleurs de ne pas avoir tenu compte du film pour faire une nouvelle version live, tellement les titres sont plus logiques placés de cette façon ! “I Feel Pretty” me paraît en effet mieux intégré avant le bal qu’au début du deuxième acte, la très délirante “Gee, Officer Krupke” fait un peu tache au milieu de la sombrissime deuxième partie, mais c’est surtout “Cool”, morceau dans lequel les Jets tentent de retrouver leur calme, qui m’a semblé totalement déplacé dans le premier acte quasiment dénué de tension plutôt que d’être interprétée après les premiers meurtres !
Un dernier petit saut, et c’est l’heure de passer à la conclusion…
[photo de Johan Persson, via le dossier de presse]
En résumé, j’ai beaucoup aimé découvrir ce grand classique, même si je la classe au final en dessous de la plupart des comédies musicales plus récentes que je connaisse. Bonne surprise, contrairement à ce que le visionnage du film me laissait penser, le côté kitsch, surjoué et irréaliste est atténué en live. Mauvaise surprise, il n’y a pas eu de véritable modernisation de la version scénique qui aurait pu faire du bien à l’ensemble (surtout concernant l’ordre des chansons plus logique du film et les scènes de “combat”, qui mériteraient vraiment une chorégraphie actuelle). Restent un casting très talentueux, un décor astucieux, des tubes intemporels aux textes remarquablement bons et une histoire empruntée à Shakespeare dramaticalement parfaite. Une réussite donc, que je recommande à tous les amateurs du genre !
Remarque : le casting visible sur les photos et cité en tête de cet article est celui habituel, donné par la production. Il est peut-être différent de celui que j’ai vu sur scène. Etant le pire physionomiste du monde, je ne suis sûr de rien !