Les grands moyens
De Stéphane Belaïsch, Thomas Perrier
Mis en scène par Arthur Jugnot, David Roussel
Avec Cyril Garnier, Guillaume Sentou, Andréa Bescond, Magaly Godenaire
Décors par Sarah Bazennerye
Lumières par Philippe Mathieu
Musiques par Paulo Goude
Costumes par Pauline Gallot
Théâtre de Beausobre, Morges, Suisse
Produit par Théâtre de la Gaîté-Montparnasse (producteur), Beeh Productions (producteur), ADL Productions (producteur), Lande Martinez Production (producteur, tourneur), Théâtre de Beausobre (organisateur)
Représentation du mardi 11 février 2014 à 20h00
Placé en troisième catégorie (rang N, place 61)
Payé 31.00 CHF (tarif étudiant)
Le casting de la pièce : Magaly Godenaire, Guillaume Sentou, Marie Montoya (remplacée pour la tournée par Andréa Bescond, je n’ai malheureusement pas trouvé de photos de l’équipe de la tournée au complet) et Cyril Garnier
[photo de Serge Carrié (PixelPro), via Lande Martinez Production]
C’est mardi soir, je suis en vacances et, à peine revenu d’un week-end “2 soirs / 3 spectacles” à Paris, j’enchaîne sur deux pièces de théâtre dans la région lémanique.
La première sur la liste c’est Les grands moyens avec en tête d’affiche le duo Garnier & Sentou, humoristes qui faisaient partis de mes préférés dans On n’demande qu’à en rire (c’est d’ailleurs en grande partie pour ça que je suis là). Ces deux là ne sont pas que de simples comiques, ils sont également habitués des pièces de théâtre. Entre 2010 et 2012 ils avaient d’ailleurs obtenu un joli succès dans A deux lits du délit où ils jouaient aux côtés de Arthur Jugnot sur une mise en scène signée Jean-Luc Moreau. Pour cette nouvelle aventure Arthur Jugnot (oui, c’est le fils de) a quitté la lumière des projecteurs pour s’occuper de la mise en scène.
La pièce s’ouvre sur une scène de ménage entre Léo (Guillaume Sentou) et Laura (Magaly Godenaire), la cousine de cette dernière (Andréa Bescond) se retrouvant bien malgré elle entre les deux. Le public rit dès les premières secondes, les dialogues étant très bien écrits. L’intrigue est vite posée : Léo se retrouve à la porte puisque Laura ne supporte plus de partager sa vie avec cet écrivain raté, grand gamin incapable d’évoluer. Le problème c’est que Léo, lui, ne peut pas imaginer vivre sa vie sans Laura ; il est prêt à utiliser “les grands moyens” pour reconquérir son coeur…
Léo à gauche, Laura à droite, la pauvre cousine (cette fois c’est bien Andréa Bescond sur la photo) entre les deux…
[photo de Shooting RAW]
Première étape pour Léo : harceler Laura téléphoniquement. Deuxième étape : demander des nouvelles par le biais de la cousine – c’est pratique, elle tient un bar donc il est facile de la trouver. Troisième étape, le fameux grand moyen : utiliser l’employé barman de Salomé (c’est le nom de la cousine) pour monter un plan forcément foireux, à savoir lui faire draguer Laura puis “tout foutre en l’air” pour qu’elle soit désespérée au point de reprendre contact avec Léo.
Le problème ? Max, le barman en question, est un véritable obsédé dont le seul objectif est d’ajouter le plus de femmes à son “carnet de chasse”. Et sa cible en vue du moment c’est Salomé, sa patronne, qui lui résiste depuis bien trop longtemps…
Vous suivez ? Non ? C’est normal, on est en pleine situation vaudevillesque (je pensais que j’inventais un adjectif, mais non, il existe !) et, évidemment, rien ne va se passer comme prévu, mais alors vraiment rien !
Premier rendez-vous entre notre barman et Laura, dans son cabinet… ce que Léo n’avait pas dit à Max, c’est qu’elle est proctologue !
[photo de Serge Carrié (PixelPro), via Lande Martinez Production]
Certes, l’histoire n’est pas des plus originales mais les situations dans lesquelles se retrouvent les différents protagonistes sont toujours amusantes et bien exploitées. C’est par moment très (très) con, mais personnellement ça ne me dérange absolument pas, au contraire, ça me fait beaucoup rire. Contrairement à certains vaudevilles tordus le public ne perd le fil à aucun moment. Aucun problème de rythme non plus, c’est même un des points forts de la pièce.
En effet, le texte a d’abord été écrit pour un film avant d’être adapté pour la scène. Il n’y a pas eu de réécriture complète et il a donc fallu trouver comment disposer sur scène les différents décors décrits dans le script original. La solution a été trouvée en plaçant un bar d’un côté de la scène et, de l’autre, un décor pivotant pouvant représenter soit la chambre du couple Léo / Laura, soit le cabinet de médecine où travaille Laura. Les personnages peuvent ainsi rapidement passer d’un décor à l’autre, ce qui donne une pièce très vivante.
La mise en scène est également traitée de façon assez cinématographique avec des actions se déroulant en parallèle dans deux endroits, l’éclairage nous faisant passer en un claquement de doigt d’un décor à l’autre. Il y a également quelques utilisation du “focus” (en pleine scène, tout s’éteint sauf un projecteur serré sur un personnage qui nous dit ce qu’il pense). C’est bien pensé, c’est bien réalisé et ça dynamise le tout, bref, c’est parfait.
Cyril Garnier en pleine imitation de King Kong
[photo de Shooting RAW]
En parlant de dynamisme il y a également un retournement de situation très bien utilisé comme effet comique… mais je n’en dirai pas plus.
Je vais plutôt parler du deuxième gros point positif de la pièce : Garnier & Sentou. Ces deux là sont véritablement exceptionnels dans cette pièce, j’irai même jusqu’à dire que j’ai préféré leur rôle théâtral respectif que les personnages qu’ils jouent dans leur one man show vu quelques temps auparavant. On les sent très complices, ils ont le sens du rythme parfait pour une pièce comique comme celle-ci et en plus ils ont un jeu très physique, n’hésitant pas à faire quelques cascades dont un mémorable passage par-dessus le bar.
A côté on oublierait presque les deux comédiennes les accompagnant. Magaly Godenaire est très bien dans le rôle de Laura, par-contre Andréa Bescond (qui, rappelons-le, ne faisait pas partie du casting original) est clairement en-dessous des trois autres acteurs. Il est vrai que son rôle de patronne de bar coincée que l’on devine pas franchement heureuse dans la vie n’est pas facile. Elle doit à la fois exprimer de la complicité avec sa cousine, de l’agacement envers Léo et montrer le rapport ambigu qu’elle a avec son employé. Il n’empêche que c’est dommage que le personnage ne soit pas un peu plus travaillé.
Une des acrobaties présentes dans la pièce, véritable signature du duo Garnier & sentou
[photo de Serge Carrié (PixelPro), via Lande Martinez Production]
Que dire en conclusion ? Que nous sommes là face à une pièce au scénario sans prétention mais aux dialogues et à la mise en scène travaillés, que c’est très drôle et que le casting compte deux acteurs exceptionnels. J’ai donc passé un excellent moment et vous recommanderais d’en faire de même… mais, depuis février, la dernière a été jouée et ça n’est donc plus possible. J’espère pour vous (et pour moi aussi d’ailleurs) que l’on retrouvera très vite le duo Garnier & Sentou dans une pièce comique, ce dont je ne doute pas vu leur talent dans cet exercice !