Hors-service
De Sylvain Meyniac
Mis en scène par Arthur Jugnot assisté par Louise Danel, Catherine Lombard
Avec Stéphane Plaza, Arnaud Gidoin, Philippe Dusseau, Gaëlle Gauthier, Juliette Meyniac, Irina Ninova
Décors par Juliette Azzopardi
Lumières par Thomas Rizzotti
Musiques par Sylvain Meyniac
Costumes par Pauline Gallot
Théâtre du Léman, Genève, Suisse
Produit par Lande Martinez Production (producteur, tourneur), Les Productions du Roi Arthur (organisateur)
Représentation du mardi 10 novembre 2015 à 20h30
Placé en 1ère catégorie (rang F, place 7)
Payé 0.00 CHF (invitation)
Toute l’équipe de la pièce, des acteurs au metteur en scène en passant par l’équipe technique
[photo de Charlotte Spillemaecker]
Je regarde très peu la télé mais je connaissais évidemment l’agent immobilier le plus maladroit qui existe, alias “le Monsieur qui vend des appartements sur M6” comme disaient les spectatrices devant moi, à savoir Stéphane Plaza. Encore une star du petit écran poussée à monter sur scène pour faire vendre des places ? Dans son cas pas vraiment puisque Plaza a suivi une formation d’acteur avant de se résoudre à travailler dans l’immobilier et de se faire repérer par M6. La célébrité lui permet donc en quelque sorte d’enfin revenir à sa passion première.
J’avais vu la pièce précédente dans laquelle il jouait (“A gauche en sortant de l’ascenseur”) lors de sa diffusion télé et avait été très surpris de constater que Stéphane Plaza était, et de loin, le meilleur acteur de la distribution. Me voilà convaincu pour aller découvrir son nouveau rôle dans “Hors-service”, un spectacle créé en tournée qui se jouera dans la capitale française à partir du 16 janvier 2016 aux Bouffes Parisiens… avec pour titre “Le fusible”, allez savoir pourquoi.
La pièce commence avec une mise en scène plutôt originale puisque Stéphane Plaza s’adresse directement au public. Son personnage, Paul Achard, profite de l’absence du quatrième mur pour nous raconter sa situation évidemment très vaudevillesque. En effet, il ne supporte plus sa femme Valérie et décide de la quitter au profit d’une certaine… Valérie. Le plan est simple, vendre son entreprise à une Russe et partir à Bali avec le pactole et sa maîtresse sous le bras, le tout en faisant croire à sa femme qu’il s’en va signer un contrat à Moscou. Reste à gérer son associé et ami de toujours, Michel Deviné qui, devinez quoi, est totalement idiot.
Paul Achard et sa femme lors de la séquence introductive où il s’adresse directement au public, interagissant même avec lui
[photo de Charlotte Spillemaecker]
Le décor est planté, l’histoire en elle-même peut véritablement commencer et introduire l’élément perturbateur : le four. Ca peut paraître étrange, mais oui, c’est bien le four qui va faire tomber à l’eau tous les plans de Paul en lui explosant à la gueule, lui faisant perdre la mémoire. Vous allez me dire que le thème de l’amnésie a déjà été utilisé des dizaines de fois dans le boulevard et vous avez tout à fait raison. Si vous êtes allergique à ce style de théâtre, passez donc votre chemin puisque la pièce utilise tous les codes du genre, des grosses ficelles scénaristiques aux personnages féminins simple faire-valoir des hommes et des allusions sexuelles (ça doit être la dixième fois que je vois le coup de la femme qui rentre au moment où les deux amis sont comme par hasard dans une position évocatrice…) aux quiproquos tout sauf crédibles.
Ca ne me dérange pas étant plutôt amateur de ce style, cela dit le scénario de “Hors-service” manque vraiment de cohérence, au point de se demander parfois comment l’auteur n’a pas pu se rendre compte de certaines énormités. Par exemple, comment expliquer que les deux amis n’entendent pas un mot de la conversation secrète qu’a la maîtresse au téléphone depuis la cuisine alors que, quelques minutes plus tard, ils entendent parfaitement un portable sonner dans la même cuisine ? Dans le même genre, certains personneags parlent parfois de choses qu’ils ne sont pas sensés savoir puisque personne ne leur en a parlées. Je sais bien que c’est ridicule d’être tatillon sur le scénario d’un vaudeville, mais quand même, j’ai trouvé que certains passages prenaient vraiment trop le spectateur pour un idiot…
Si j’oublie ces quelques erreurs scénaristiques, l’intrigue, bien que très basique, permet quelques belles situations comiques tandis que les dialogues sont d’une qualité tout à fait acceptable avec, entre les classiques du genre, quelques trouvailles. Niveau humour, j’ai envie de dire que la pièce remplit donc son contrat, sans toutefois flirter avec le haut de gamme.
Stéphane Plaza au sortir de sa rencontre avec le four explosif…
[photo de Charlotte Spillemaecker]
Qu’en est-il des acteurs ? Contrairement à ce que je disais sur “A gauche en sortant de l’ascenseur” quelques lignes plus haut, Stéphane Plaza n’est pas au-dessus du lot dans “Hors-service”, ce qui est une bonne chose puisque ça veut en fait dire que le reste de la distribution joue juste elle aussi dans cette pièce. Dans le détail, il s’en sort bien dans son rôle d’amnésique pas toujours facile à tenir, tandis qu’à ses côtés Arnaud Gidoin est très bon en ami totalement idiot. Seul le docteur, interprété par Philippe Dusseau, est un peu en-dessous du reste du casting, sans que je sache si c’est de la faute du comédien ou du texte voulant le personnage beaucoup trop caricatural.
Du côté du décor et des costumes, c’est très réussi, avec le même petit effet original que celui utilisé dans “A gauche en sortant de l’ascenseur”, à savoir un mur en toile qui permet, suivant l’éclairage, de faire en sorte que les spectateurs voient ou ne voient pas ce qui se passe derrière, en l’occurence dans la cuisine. Ce dispositif permet également de faire se superposer deux actions, de quoi donner quelques touches d’originalité à la mise en scène.
En parlant de mise en scène, c’est incontestablement le point fort de la soirée puisqu’elle est maitrisée et dynamique tout au long du déroulement de l’histoire. En y repensant, je me dis que c’est probablement le seul élément qui sorte un peu des codes du boulevard en y introduisant une touche de modernité et d’originalité bienvenue. Dommage que la même initiative n’ait pas été prise pour le texte.
Comme vous pouvez le constater, le bon goût vestimentaire n’est pas véritablement le point fort du spectacle !
[photo de Charlotte Spillemaecker]
Que dire pour conclure ? Que nous avons affaire ici à une pièce de boulevard des plus classiques, autant bien du côté du scénario que du côté de l’humour. Ca a des bons côtés (un spectacle simple et efficace) comme des mauvais, à savoir une intrigue dont les ficelles sont tellement grosses qu’elle comporte certaines erreurs scénaristiques et de nombreux gags déjà vus. A côté de ça, la mise en scène est irréprochable et amène un peu de modernité qui permet de ne pas tomber dans le travers récurrent du vaudeville, à savoir son côté surjoué le rendant désuet. Les acteurs sont bons et il serait de mauvaise foi de critiquer Stéphane Plaza, tout à fait à sa place sur scène. Une pièce dans la moyenne donc, ni excellente ni mauvaise, où l’on ne s’ennuie pas (il faut dire que la durée de l’ensemble est raisonnable contrairement à la majeure partie des pièces du répertoire de boulevard) mais que je conseillerais en priorité aux amateurs de vaudevilles “old style”.
Merci aux Productions du Roi Arthur pour le soutien accordé à On Stage Now. Retrouvez la suite de leur programmation de saison sur leur site Internet !